IMMOBILIER COMMERCIAL. Le commerce en ligne est l’un des principaux responsables de la nouvelle pression exercée sur le développement des terrains industriels dans les grands centres urbains, selon le rapport Emerging Trends in Real Estate 2019 de PwC. Les entreprises qui ont besoin de plus d’espace pour la distribution et l’entreposage doivent-elles pour autant assumer la totalité des coûts liés à ces biens immobiliers ? En matière de distribution, vaut-il mieux acheter, louer ou déléguer ?
«Malheureusement, plusieurs cherchent encore la réponse. Le modèle d’affaires idéal du commerce en ligne est loin d’avoir été établi», admet Stéphane Drouin, directeur général du Centre québécois d’innovation en commerce (CQIC). Ce qui explique, selon lui, que le marché soit témoin de multiples essais et erreurs d’entreprises qui achètent et construisent trop grand. Ou trop petit.
Afin de minimiser leurs frais, des entreprises ont commencé à se tourner vers la location d’immeubles industriels pour répondre à leurs besoins de distribution et d’entreposage. «La location d’immeubles industriels représente aujourd’hui plus de 45 % de nos nouvelles constructions. Il y a à peine dix ans, ce marché était presque inexistant», constate Roger Plamondon, président du groupe immobilier du constructeur Broccolini.
Parmi ces nouveaux immeubles, il cite le nouveau centre de distribution que Broccolini bâtit actuellement pour Amazon aux abords de l’autoroute 417, à l’est d’Ottawa. «Encore récemment, il aurait été impensable de construire un gigantesque bâtiment d’un million de pieds carrés à des fins de locations. Pourtant, c’est ce que nous sommes en voie de terminer», note M. Plamondon.
Ce type d’immeuble détient généralement des baux de location de 10, 15 ou 20 ans, précise-t-il. «Ce qui en fait des actifs immobiliers à valeur très attrayante pour des compagnies d’assurance et des fonds de pension qui cherchent des occasions d’investissement.»
Un locateur visionnaire
Valdev croit elle aussi au potentiel croissant de la location d’immeubles industriels. En fait, elle y croit depuis 1995. Le promoteur et locateur d’immeubles industriels a alors acheté plus de 14 millions de pieds carrés de terrain à Salaberry-de-Valleyfield. Il aura fallu attendre 20 ans pour y voir ériger un premier bâtiment de 500 000 pi2. Il en compte aujourd’hui 670 000 pi2, et tous les espaces qu’il contient sont loués. «Le parachèvement de l’autoroute 30 nous a servi de tremplin», souligne Carmine Como, vice-président, Finance, chez Valdev.
Les 150 000 pi2 de locaux de la phase 2, terminée en novembre 2018, affichent eux aussi complet. M. Como signale que 60 % de la superficie des deux premières phases a été louée à titre de centre de distribution ou d’entrepôt. Et ça ne fait que commencer, selon lui, car Valdev possède encore 11,5 millions de pieds carrés à développer. Les travaux d’une troisième phase de 115 000 pi2 doivent d’ailleurs commencer dans les prochains jours.
Même les municipalités considèrent l’option de la location d’immeubles industriels. C’est le cas de Windsor, en Estrie, où prend forme depuis 2015 le Parc d’affaires de la 55. Le nouvel entrepôt de 75 000 pi2 dans lequel le fabricant de portes et fenêtres Masonite vient d’emménager appartient au Comité de développement économique de Windsor, un organisme à but non lucratif. «Ce n’est pas que l’on souhaite en faire notre modèle d’affaires, mais dans ce cas-ci, cette option s’est révélée un outil de négociation non négligeable», précise son directeur général, Carlo Fleury. La durée du bail est de 10 ans ferme, indique-t-il.
Déléguer la distribution ?
La location est certes une option à moindre coût pour combler les besoins croissants d’une entreprise en matière de distribution. Mais il y a aussi l’impartition, fait valoir Jacques Roy, professeur titulaire au département de gestion des opérations et de logistique de HEC Montréal. Le phénomène des centres de logistique est selon lui déjà très palpable en Europe. «À moins d’évoluer dans un secteur de distribution, comme c’est le cas pour les marchés d’alimentation, les entreprises ont intérêt à garder leurs investissements majeurs pour la recherche, le développement et l’innovation plutôt que d’injecter des sommes importantes dans l’immobilier», souligne-t-il. Ces dernières ont avantage à avoir recours à des centres de logistique qui se spécialisent dans la prise de commandes, la gestion des stocks et même la livraison, ajoute le professeur.
C’est justement la spécialité de Wiptec depuis déjà 17 ans. L’entreprise sherbrookoise qui compte parmi sa vingtaine de clients Wal-Mart, David’s Tea et Sports Experts est aux premières loges de l’évolution du secteur de la logistique au Québec. Partie d’un entrepôt de 10 000 pi2, Wiptec compte maintenant plus de 600 000 pi2 d’espace à Sherbrooke. «S’ajoutera bientôt un gigantesque entrepôt de un million de pieds carrés sur la Rive-Sud de Montréal», affirme Martin Ball, président de l’entreprise. Pour des raisons stratégiques, l’adresse de ce mégaprojet de 150 M$ n’a pas encore été dévoilée. L’annonce doit être faite ces jours-ci.
Comment expliquer cet engouement pour la logistique ? «Nos services permettent aux entreprises d’être compétitives par rapport à Amazon», soutient M. Ball. Interrogé sur les économies réalisées par sa clientèle, le président répond : «Difficile à dire. Mais une chose est sûre : chacune de ces entreprises réalise des augmentations annuelles de 50 % à 150 % en commerce électronique. Et chacune d’elles a la garantie que nous allons soutenir leur croissance, quelle qu’elle soit.»